La Sagesse de la Dentellière, Mylène Salvador et Juliette Solvès.

C’est lorsque Mylène Salvador est étudiante en sciences économiques au début des années 1970 qu’elle découvre un métier de dentellière aux fuseaux au musée Baron-Gérard de Bayeux. Depuis, elle se consacre avec une passion rare à cette activité. Meilleur ouvrier de France en 1982 et nommée Maître d’Art en 1994, elle participe à la création du Conservatoire de la Dentelle de Bayeux. Elle collabore depuis plus de dix ans avec de nombreux artistes dont Annette Messager, Jean-Michel Othoniel ou encore Christian Lacroix.

« Le fil, c’est un début et une fin. Tout l’art de la dentellière consiste à masquer l’origine des fils et leur fin. Elle camoufle, élimine les « coutures ». Alors la dentelle devient fil unique, mis en boucle sur lui-même comme un « nœud » de Moebius. La dentelle nous parle de l’infini, elle qui réclame pour sa création des durées inouïes. La tête dans les fils, obnubilée par ma tâche, j’ai parfois vécu la réalisation d’une dentelle comme dans une bulle. Une éternité suspendue. Un certain éventail a représenté 1 200 heures de travail. Et puis, soudain, j’ai mis le nez à la fenêtre : les feuilles sur les arbres me disaient que le printemps était là – quatre mois s’étaient écoulés sans que je m’en aperçoive. Je suis toujours prise au dépourvu. Quand je fais de la dentelle, le temps ne passe pas. À la fin d’une pièce, le charme se rompt, et je retourne au monde. Tous ces fils me tiennent autant que je les tiens. Est-ce le fil qui me suit ou moi qui suis le fil ? »